La mort d’un enfant impose un véritable chemin de croix aux parents pour affronter la réalité de la perte de leur enfant. Mais ce chemin de croix n’est pas le seul que les parents aient à traverser. Il y a aussi celui que personne ne se représente, tant il semble impensable, évitable et inhumain. Le chemin de croix administratif et financier…
Tout le monde se représente aisément le chemin de croix qui attend les parents après la perte de leur enfant. L’absence omni présente, le calvaire de toutes les premières fois sans lui, la place vide aux tables des fêtes de famille, les rentrées des classes… On se sent bien démuni à les soulager, tous conscients que personne ne peut hélas alléger leur peine sur ce chemin douloureux où il leur faut apprivoiser seuls la douleur et le manque. Mais peu de personne imagine l’autre calvaire qui attend les parents d’un enfant défunt. Un tout autre calvaire évitable celui-là, que rien ne devrait justifier, celui des procédures administratives et des assurances. Et pourtant…
Le calvaire des procédures administratives et financières, après les obsèques

Parce qu’après avoir perdu leur enfant, souvent quelques jours après, les parents sont tenus, sans ménagement et sans délais, à déclarer le décès, produire des actes, acquitter la facture colossale des frais d’obsèques, se voir pour certains obligés de rembourser le trop perçu lié à une demi-part que représentait l’enfant dans le foyer fiscal… Ils voient leur enfant disparaître de bien des lignes administratives qui ne prévoient jamais la case ou le statut de mère ou père d’un enfant défunt. Car, dans notre société, perdre son enfant unique, c’est perdre avec son statut de père ou mère. On redevient « sans enfant », comme si la vie avec son enfant était une parenthèse qui se refermait, un chapitre à oublier désormais. En écoutant les témoignages de nombreux parents, on découvre un chapelet d’exemples qui seraient ubuesques s’ils n’étaient pas désespérants d’inhumanité.
Pourquoi cela est-il aussi peu connu ou dénoncé ? Pas parce que cela est rare mais bel et bien parce que déjà accablés et désespérés, les parents n’ont même pas l’énergie pour dénoncer en plus ces situations et mener des combats sur le front administratif et financier.
Le chemin de Croix de Delphine et Rémy, parents de Jade, 4 ans

Derrière le sourire de Rémy et Delphine, la tristesse de l’absence de Jade sur cette photo
Nous avons ainsi découvert le chemin de croix de Delphine et Rémy, après le décès brutal de leur petite Jade, le 20 décembre 2016, en quelques jours d’une infection ou d’un virus non identifié. Au traumatisme de ne pas connaitre précisément la cause du décès de leur petite fille et à la culpabilité qui envahit tous les parents qui se rongent d’imaginer ce qui aurait pu être fait pour éviter cette fatalité (une prise en charge médicale différente, ailleurs, plus rapide, un diagnostic plus précoce des premiers symptômes….), s’est ajouté celui d’un autre chemin de Croix.
Quelques jours, semaines après les obsèques de Jade, Rémy joint son assurance vie qui prévoit dans son contrat une assurance décès. Sans imaginer le coût immense déjà pour un papa d’avoir à téléphoner pour déclarer le décès de sa petite fille, son interlocutice lui répond comme un répondeur automatisé énumérant les options possibles : « Monsieur, il fallait déclarer le décès dans les 4 jours ». Puis, Remy se voit refuser tout remboursement au motif que la cause du décès de Jade n’est pas clairement identifiée…
Commence alors pour Rémy un parcours du combattant pour soit obtenir les certificats médicaux suffisants à prouver une maladie recevable pour son assurance, soit attaquer l’hôpital pour prouver une faute donnant lieu à une indemnisation possible par ladite assurance…
Par ailleurs, la prévoyance du travail de Rémy prévoit une assurance décès préventive prenant en charge la totalité des frais d’obsèques en cas de décès d’un enfant. Il leur sera versé toutefois un montant forfaitaire de 900€, conformément sans doute à une minuscule clause écrite en note de bas de page… 900€ sur les 5000€ du coût total. C’est mieux que rien pourtant. Car du côté de la mutuelle du couple, les choses seront bien moins aisées.
Delphine et Rémy se voient finalement refuser la prise en charge de 1000€ de leur mutuelle

Et bientôt Delphine et Rémy se verront retirer la demi-part de Jade dans leur foyer fiscal, puisqu’ils n’ont plus de frais liés à la vie de leur petite fille dans leur foyer. En revanche, sans la collecte organisée par leurs proches au moment du décès de Jade, s’ajouteraient à leurs charges le crédit des frais d’obsèques et celui des 6000€ de la concession qu’ils ont dû acheter. Et s’ajoutent aussi désormais celui des honoraires des psychologues, acupuncteur, sophrologue et autres thérapeutes auprès de qui ils s’efforcent de trouver du soulagement et de l’aide à tenir le coup. Celui des fleurs, bougies, cadeaux qu’ils continuent à offrir à leur petite fille au cimetière en ultime lien. Le tout avec des ressources financières réduites par les plafonds de la sécurité sociale pendant leur congés maladie…
Mais Delphine et Rémy ne sont pas non plus les parents les plus malchanceux. Certains comme Lydie et Hervé se sont vus aussi refuser tout remboursement par leur mutuelle au motif que leur enfant avait moins de 12 ans. Quatre ans c’est apparemment un âge suffisant pour mourir, pour payer plein tarif les frais d’obsèques mais pas suffisant pour le remboursement de certaines mutuelles, qui estiment sans doute le nombre d’années de cotisation insuffisant…. Et Lydie ajoute, toujours aussi choquée deux ans après: « Théo a été supprimé des attestations CAF et sécurité sociale quelques jours à peine après son decès… rayé de la carte, comme s’il n’avaient jamais existé… ».
La mutuelle de Cléalie fixe à 18 ans l’âge eligible aux remboursements d’une partie des frais d’obseques de l’enfant…. Et elle aussi ajoute : « Mais le plus dur après cette perte impensable reste la réalité de ne plus voir notre enfant inscrit nulle part… Il ne compte plus aux yeux de l’administration… ».
Isabelle raconte quant à elle comment après le décès de John, leur fils de 4 ans et demi, la banque a bloqué le compte de leur fils en leur demandant un acte notarié de droit de succession pour avoir le droit de toucher au compte qu’ils ont même créé. Avant de décéder leur fils n’a pas eu le temps de rédiger un testament légant ses biens à ses parents… « C’est encore un coup de couteau supplémentaire dans notre parcours de deuil… ».
Quant à Mélisa, elle déplore l’absence de statut, cette case « sans enfant » qu’elle doit cocher la boule au ventre, quand la présence et l’existence de sa petite fille sont encore si présentes pour elle et certainement à jamais : « Cette croix a faire dans cette case « sans enfant » comme si il n’avait jamais existé… Pourtant Gisèle comme nos anges on vécu. Je déteste cette case. Aucune n’est faite pour nous ».
Les exemples sont légion et il faut partager ces témoignages difficiles pour faire bouger les choses.
Adopter des procédures administratives adaptées à la réalité du deuil d’un enfant, première urgence à apporter aux parents

Loin de n’être que des détails ou du matériel, ces adaptations seront de nature à envoyer un message fort aux parents: celui de la prise en compte de leur situation et de la reconnaissance de leurs difficultés par la société. Cette reconnaissance est essentielle pour les aider à sortir de leur isolement.
C’est aussi le combat du Point rose au nom des familles.
C’est un SCANDALE ABOSLU! un honte sans nom!!! Il faut changer cela immédiatement, obliger ces suceurs de sang d’assureurs à payer et imaginer la même chose que le Fonds dédié aux victimes d’attentats: perdre un enfat est au moins aussi violent et injuste. Je suis outré par ce calvaire supplémentare infligé à ces parents.
Je suis outré et ma colère est immense. Il s’agit de mon neveu et nièce. Je vous laisse imaginer ce que je ressens… N’y a t il donc que l’argent qui compte dans ce pays????