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2 ans déjà… 2 ans que tu n’es plus là, que tu as quitté la chaleur de mes bras, que j’apprends à vivre sans toi. Ma Gisèle, mon adorée, ma première, mon ainée comme tu me manques, comme il est difficile d’accepter que son enfant, son tout petit meure? Pourtant je l’ai fait... Personne ne nous dit comment on fait quand on est une maman sans son bébé, où aller, à qui parler, combien de temps le deuil doit durer et comment on doit le vivre. 

“Comment on fait quand on est une maman sans son bébé ? “

C’est vrai ça, comment on fait quand on est une maman sans son bébé ?  Moi, je me suis servie de la force de notre amour, car je me suis dit, au plus profond de mon cœur, que malgré le drame terrible qui m’arrivait, toi, ma petite guerrière, tu n’étais pas venue pour voir maman sombrer.

Il était donc hors de question que tu deviennes mon fardeau. Au contraire, tu as été ma force de vie, ma force d’envie  pour continuer à avancer, pour que tu sois fière de moi. 

Et j’espérais secrètement dans mon cœur que tu me guiderais aussi un peu de là-haut, et c’est ce que tu as fait jusqu’à maintenant. 

Tu n’as vécu que 6 mois, 6 mois d’une intensité rare, une telle urgence de vivre à 2, de s’aimer malgré la douleur, malgré la maladie, malgré la mort qui s’approchait. Beaucoup de mes souvenirs sont des souvenirs de combat contre la maladie, d’angoisses, de détresse totale, ton dernier souffle dans mes bras, ton petit cercueil, toutes ces images qui me restent et me traumatisent, mais j’ai aussi de  précieux souvenirs de ton sourire, de nos câlins, de toute ta force, de nos sentiments d’amour et d’espoir.  Je remercie le ciel de t’avoir eue, d’avoir eu la chance de pouvoir te porter, te connaître.

 

 

 

 

Mon seul regret c’est que tu aies souffert, c’est ça qui me tourmente le plus. Une maman ne veut pas voir son petit souffrir. Alors comme je ne pouvais l’éviter,  je t’ai donc donné le plus possible de moi et de mon amour. 

“6 petits mois qui ont complétement bouleversé toute ma vie, mon cœur et mon âme. “

J’ai perdu la quasi totalité de notre famille et de mes amis, car c’était trop dur pour eux, ils ne savaient pas quoi dire. Et puis la maladie et la mort d’un enfant font si peur, à croire que cela pourrait être contagieux. Alors que j’avais tellement besoin d’être entourée, de vivre pour ne pas crever, tant cette douleur dans mes tripes, dans mon cœur, dans ma tête m’écorchait. Et après tout, c’est moi qui t’aies perdue, par eux… Mais j’ai fait preuve de compréhension. Comment aurais-je réagi à leur place? Et j’ai continué à sourire. Comme toi…

Au début de mon deuil, j’ai fui ta mamie, je ne me l’explique pas, fuir sa maman alors qu’en réalité ses bras sont les seuls qui s’ouvrent pour moi depuis toujours… je crois que c’est inévitable et presque normal au début. On leur en veut un peu de ne pas avoir pu nous épargner cette épreuve. Même si c’est très injuste…

 

J’ai eu droit aussi à la curiosité mal placée sur ta maladie, mais aussi aux phrases pleines de “compassion” maladroite : « Elle était malade, c’est mieux comme ça »; « Tu es jeune, il faut passer au-dessus, ta vie continue, tu en auras d’autres »…..  Il a fallu vivre toutes les premières fois sans toi, un tel vide, la première fête des mamans, le premier Noël, ton premier anniversaire… Mais aussi, entendre les autres mamans pleurer le premier jour d’école de leur enfant; l’école toi, tu n’y iras jamais… J’avais tellement espéré pour toi, pour ta vie, te voir grandir…  

Heureusement, Bertille, ma psy, m’accompagne depuis le début de ma grossesse en anténatal, c’est ma confidente, elle m’aide à rester rationnelle, j’ai une confiance absolue en elle et je peux « vider mon sac et mettre mes idées au clair ». Je pense que c’est important d’être accompagnée et de parler, ne pas taire et enfouir ses sentiments. Pour moi, mettre des mots sur mes maux est un moyen de survivre et d’avancer.  Je ne dis pas que je trouve un sens à tout cela, mais les choses arrivent et on n’y peut rien, c’est comme ça, donc je préfère en tirer le plus de positif possible.  Etant une tatouée, j’ai aussi fait ma thérapie par le tatouage, je t’ai encrée en moi, comme le besoin vital de t’inscrire dans ma peau. 

“Malgré ton absence, j’ai mis de la vie dans ta mort, et c’est ce qui m’a aidée à faire face.”

J’ai aussi eu la chance de pouvoir t’écrire et enregistrer une chanson pour toi, de te faire un beau 1er anniversaire, malgré ton absence, j’ai mis de la vie dans ta mort, et c’est ce qui m’a aidé à faire face. 

Je n’ai pas la prétention de dire que j’ai la solution miracle, non du tout, je te pleure encore chaque nuit, chaque jour, tout comme je me pose ses éternelles questions auxquelles je n’aurai jamais de réponses : Comment serais-tu aujourd’hui ? Quel aurait été ton caractère ? Quel son aurait ta voix ? …  Et pourquoi nous ? Quand tant d’autres négligent leurs enfants? Moi je t’aurais donné tout mon amour et tout mon temps, toute ma vie, tout ce qu’une maman peut donner à son enfant… Alors Pourquoi ? Ce n’est pas juste. Je sais désormais que je n’aurai jamais de réponse et qu’il est inutile de me torturer le cœur et l’esprit avec ces questions.

“La vérité est que l’on fait comme on peut pour aller de l’avant et s’en sortir vivant ! “

J’avoue sans honte que je me suis même demandée si ça n’aurait pas été mieux que tu ne viennes pas dans ma vie, comme ça je n’aurais jamais souffert à ce point, ni même pris du poids, moi qui était si jolie avant d’être meurtrie par la cicatrice de ta césarienne, puisque de toute façon tu es partie, tu m’as abandonnée, tu m’as laissée là, toute seule, avec tout cet amour inconditionnel qui me consume et que je ne peux offrir à personne d’autre que toi.  Oui le deuil, l’acceptation passe par beaucoup de phases, dans un ordre apparemment bien précis, que l’on nomme par de grands mots tels que le Déni, la Colère, le Rejet, la Dépression, la Reconstruction… et j’en passe. La vérité est que l’on fait comme on peut pour aller de l’avant et s’en sortir vivant ! Perdre son enfant est tellement extrême qu’il n’y a pas beaucoup de choix : Soit tu sombres, Soit tu avances. 

La vie de mam’ ange m’a fait basculer dans une autre réalité, qui n’est plus celle de la majorité des gens qui m’entourent, une réalité où l’insouciante et la quiétude ont disparue. Mes priorités, ma façon de voir la vie et de vivre ont changé, pour un mieux, j’aime à le penser.  Donc voilà, je suis passée par plusieurs phases, une phase de repos car notre combat m’avait complétement épuisé liée à une phase de soulagement, car désormais je savais que tu étais libérée de toute souffrance, de tous tuyaux, machines, médicaments…Puis une phase d’ivresse et de folies ou j’ai eu besoin de sortir voir du monde pour éviter ma solitude ; Puis une phase de rencontre avec d’autres par’ anges pour être comprise, écoutée et partager notre vécu, ma douleur et y trouver des clés pour avancer, j’y ai rencontré des personnes qui ont été des bénédictions dans mon chemin de deuil. 

“J’ai arrêté de bercer mon cœur dans l’ombre de ta mort,  j’ai pris le temps de créer une présence dans ton absence”

C’est au Point Rose que j’ai trouvé du répit et un miroir à mon deuil durant quelques mois, où Nathalie a été pour moi un ange sur ma route, une bouffée d’espoir, qui m’a permis de faire vivre Gisèle et notre histoire à travers mes témoignages, mes créations, de partager avec d’autres par’ anges et d’envisager un deuil positif dans la résilience et la force de notre amour. C’est là aussi qu’un petit pingouin est devenu ton emblème !  Ensuite, le temps de la « reconstruction » a pris sa place, j’ai cessé petit à petit d’aller rendre visite aux puéricultrices du service de réa néonat. Je pense qu’en y allant durant toutes ses mois, je cherchais inconsciemment à me raccrocher à toi, à nous. J’ai arrêté de bercer mon cœur dans l’ombre de ta mort,  j’ai pris le temps de créer une présence dans ton absence,  de redécorer mon univers, recréer de la vie, en me mettant à la couture, en me remettant au sport, en faisant des projets d’avenir sans me lamenter sur mon sort, en mettant de la lumière et de l’ordre dans ma vie, et surtout j’ai décidé de redonner la vie, de redonner de la vie à ma vie de maman en te faisant une petite sœur.  Là aussi j’ai eu le droit à des réactions étranges: “Quoi déjà enceinte ?”, “Mais Gisèle est morte il y a moins d’un an…?”, “Encore !? Tu passes vite à autre chose”… Comme si c’était eux qui avait perdu leur enfant et comme s’’il y avait des dates définies pour faire sa vie…

 “Aujourd’hui j’ai la chance d’avoir un Arc-en-Ciel dans ma vie : Circé, ta petite sœur qui apaise mon cœur et le ranime”

Aujourd’hui j’ai la chance d’avoir un Arc-en-Ciel dans ma vie: Circé, ta petite sœur qui apaise mon cœur et le ranime, qui me permet de savourer le jour présent, d’envisager l’avenir et d’avoir à nouveau ma vie de maman. J’ai été pour toi une maman-soignante, forte, sûre d’elle et inépuisable. Pour ta petite sœur j’apprends à être juste une bonne maman qui doute et qui s’autorise à être parfois fatiguée.

J’avais peur, peur qu’elle aussi ait des soucis de santé, peur qu’elle meure, peur de ne pas savoir aimer autant Circé, peur que Circé ne m’aime pas autant, alors que toi et moi avions été si fusionnelles, peur de manquer de temps à partager avec elle, peur qu’elle disparaisse ou que l’on puisse être séparées. Enfin le mot “Peur” n’est approprié, “Terrifiée” le serait plus ! Au final, Circé et moi on s’Aime, d’un amour différent mais tout aussi fort. Quand elle sourit, elle te ressemble. Je chéris chaque jour avec gratitude de pouvoir vivre à ses côtés, être à nouveau maman. C’est ma fée guérisseuse ! Voir Circé s’éveiller à la vie, jouer, rire, manger, grandir, c’est là où je prends conscience de la gravité de ta pathologie et à quel point cela devait être difficile pour toi et à quel point tu as été forte, courageuse, exceptionnelle pour nous avoir offert tes 6 mois avec sourire et amour.  

C’est étrange, les gens me parlent de mérite « tu mérites d’être heureuse », je ne savais pas que le droit au Bonheur se mériter. D’ailleurs, je me demande bien ce qu’on bien pût faire ces gens, que je n’ai pas fait avant de te perdre et d’avoir failli perdre la vie en mettant au monde ta petite sœur, pour qu’ils puissent jouir d’une vie jolie sans drame et où tout « roule » eux ! 

Maintenant, j’ai comme fidèles compagnes la tristesse et le manque de toi au quotidien, c’est comme ça, je l’ai accepté, en devenant un ange, tu as pris une part de mon cœur que personne ne pourra me ramener, car un enfant ne remplace pas un autre enfant. Et cette dualité qui habite mon cœur, il y a toute la douleur de la mam’ ange et tout le bonheur de la maman, je te pleure et je lui souris en même temps. 

Tu m’as permis de tout faire pour toi, je n’ai donc aucun regret, aucune colère ou sentiment d’inachevé et ça c’est une chance dans le deuil d’un par’ ange. Avec le recul, je garde juste un goût amer envers certains professeurs et chirurgiens qui se pensent au-dessus de la nature et donc donnent de l’espoir à une future maman. C’est vrai ils m’ont laissé continuer ma grossesse, malgré ta pathologie grave, en me donnant de l’espoir, alors qu’ils avançaient à l’aveugle. Je me demande si leur égo et le besoin de faire avancer la recherche médicale ne les poussent pas à mettre des bébés et des familles dans la souffrance, car un parcours comme le nôtre laisse des traumatismes à vie, je ne le cache pas, tu as été un véritable tsunami dévastateur pour tes grands-parents et moi, plus jamais nous ne serons heureux à 100%, car tu nous manqueras toute notre vie. 

Ce qui est un coup de poignard dans le cœur, c’est ton inexistence pour la société et les administrations. Tu es morte, donc je suis mère célibataire avec un enfant à charge. Pourtant j’ai mis deux petites filles au monde, mes césariennes me le rappellent chaque jour et mon livret de famille en fait foi.  Quand on me demande combien j’ai d’enfant, soit je leur réponds « j’ai deux filles » et après bien souvent on me demande vos âges et là je leur dis « Gisèle aurait eu… »  Et je dois leur dire que tu es morte ; parfois je leur parle comme si tu étais vivante ou encore je leur dit « j’ai une fille » en parlant de Circé, pour être tranquille et clore la discussion, même si dans mon cœur je te demande pardon à chaque fois que je le fais, je fais comme je peux ! 

Parfois,  je me sens coupable de cette tristesse, vis-à-vis de ta petite sœur, car elle n’a pas à porter le poids de ta mort, donc c’est une raison de plus pour moi de sourire à la vie et célébrer notre amour en mettant de la gaieté dans notre quotidien. Je veux qu’elle découvre sa grande sœur dans la joie grâce à mes mots, et puis tu fais partie de sa vie comme sa gardienne du haut de ta lumineuse étoile. En faisant de la place pour accueillir Circé, j’ai retrouvé l’Ange du Point Rose, longtemps j’ai associé le C du Point Rose à Carla, mais quand j’ai redécouvert ton ange portant le C, je me suis dit: « C’est toi ma Gisèle qui m’a guidée vers ta petite sœur Circé ». J’ai eu la chance inestimable de donner la vie à deux merveilleuses petites filles, l’une que je berce dans mon cœur quand mes bras bercent l’autre. Circé grandira en fille unique, avec sa grande sœur dans les étoiles, car désormais je ne pourrai plus jamais porter d’enfant. Je suis, désormais, en équilibre entre Ciel et Terre. Tu es ma Lune, ta sœur mon Soleil. 

“Je suis et serai à jamais Mélisa, ta maman qui t’aime plus haut que les étoiles”

Je n’ai pas de conseil à donner mais si tous les par’ anges pouvaient laisser le temps au temps, le temps aux larmes de couler et aux rires de chanter, car même s’ils ne guérissent pas, ils sont source de vie et d’apaisement. Si l’on pouvait ouvrir son cœur à la magie de l’Amour et garder Espoir en la Vie, le deuil serait plus doux et plus acceptable. Faire de l’Amour inconditionnel qui nous lie à notre ange, une Source inépuisable de Force de Vie.

Certes la vie de notre enfant n’est plus, mais nous, nous sommes là, vivre pour rendre hommage à son enfant, vivre parce que lui ne peux plus le faire est le plus beau des cadeaux que vous puissiez lui faire, pour la paix de son âme et la vôtre aussi. Essayer de s’entourer de quelques personnes sincères et présentes, pour ma part se sont mes parents, nous sommes une petite famille mais plus unie que jamais, c’est mon refuge. Gisèle, tu m’as appris la valeur du Temps et de l’Amour, je mets donc tout mon cœur à vivre le plus de temps possible  avec ta petite sœur, qui fait de moi une maman épanouie et heureuse, entourée de tes grands-parents, qui peuvent à nouveau être un popy et une momy extraordinaires, dont les regards d’amour échangés entre eux et ta petite sœur me réchauffent le cœur de bonheur. 

Tu es le plus Grand Amour de ma vie, tu m’as dévoilée à moi-même, montré qui j’étais, appris l’Amour. Merci ma fille, ma Gisèle de m’avoir choisi comme maman, car je suis et serai à jamais Mélisa, ta maman qui t’aime plus haut que les étoiles. J’ai appris à vivre avec toi malgré ton absence. Je suis fière de moi, fière de tes grands-parents. Tu vis en moi à jamais.  Un grand merci au Point rose de me permettre de témoigner, de mettre des mots sur mes maux et peut-être donner un peu de baume au cœur à d’autres par’ anges. Et une tendre pensée pour Carla-Marie qui guide sa maman et l’inspire du haut de son étoile. 

Avec toute mon affection et mon amitié. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mélisa ANNALORO

Annoeullin, le 10.01.2019 

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