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Youen, amoureux de la montagne et de la nature, s’est envolé il y a un an, sa maman, Isabelle, nous raconte avec beaucoup d’émotion l’hommage rendu par sa famille : ses proches se sont réunis pour une dernière ascension avec Youen, retournant sur le premier sommet qu’il avait gravi, au coeur du massif de l’Oisans, bravant les intempéries.

Et chacun lui a rendu hommage à sa façon, autour d’un “Land art”, puis en mêlant ses cendres aux éléments naturels, si chers à Youen.

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“Le jour même de l’annonce du décès de mon fils Youen, dans la déflagration de ce moment où ma vie a basculé, au milieu de ce désespoir abyssal qui m’anéantissait, nous avons eu le même élan, Alan et moi : la place de Youen n’était nulle part ailleurs qu’à la montagne, dans les sommets autour de la Bérarde plus précisément, et nous l’y ramènerions. Nous nous en sommes fait la promesse, scellée par les larmes du chagrin infini de l’avoir perdu…

Mon fils était officier de marine marchande et il aimait la mer, mais la découverte de la haute montagne, il y a quelques années, a été une révélation pour lui.

Enfant épanoui grandissant au milieu des landes bretonnes, des collines provençales ou des îles guadeloupéennes, jeune passionné par les sports de nature, homme investi et militant pour la défense des milieux naturels et des animaux, Youen était un être de passion, résolument tourné vers la nature sous toutes ses formes, mais c’était encore mieux quand cette nature était extrême, tout comme lui.

La découverte du massif de l’Oisans, de ses nombreux « 4000 » et du village de La Bérarde tout au bout de la route a été pour lui un véritable coup de foudre. Il en a sillonné les sentiers et les sommets avec ses frères Alan et Tanguy : c’était sa « ressourcerie » personnelle, été comme hiver.

C’est donc là que nous le « ramènerions », au cœur du Massif de l’Oisans, et plus précisément au Pic Coolidge (3800m), premier sommet de ce Massif qu’Alan et Youen aient grimpé. Mais après les obsèques, fin septembre 2020, la saison hivernale était déjà trop avancée au vu de l’état d’épuisement dans lequel nous nous trouvions, son père et moi. Nous avons donc reporté ce projet à l’été suivant.

Après une année éprouvante, j’éprouvais le besoin viscéral de marcher et d’être immergée dans la nature.

Avec Hervé, comme toujours très présent et soutenant, nous sommes partis début juillet, dès la fin de l’école, sur le GR 9, de Dieulefit jusqu’à Autrans dans le Vercors.

Marche régulière toute la journée et longues discussions avec Hervé : ce long cheminement de presque 200 kms en direction de l’Oisans sur une quinzaine de jours, m’a permis de…..respirer, tout simplement respirer, avec Youen dans mes pensées et dans mon cœur.

Le stage de yoga qui a suivi, en montagne et en compagnie de mon amie Capucine, a également contribué à me donner un peu d’air.

J’ai rejoint La Bérarde la première avec, en tête, le souvenir de cette photo de Youen y arrivant un jour, enthousiaste :

Successivement, Yann le père de Youen, Alan et Tanguy ses frères, Maggy sa compagne, Laurianne sa sœur accompagnée de son compagnon Stéphane et de Awenn sa fille, sont arrivés à la fin du mois de juillet, des quatre coins de la France et même d’Italie pour Maggy. Tous très émus et néanmoins heureux d’avoir réussi à nous retrouver ensemble, dans ce lieu extraordinaire, autour de notre Youen tant aimé. Manquait Xavier, l’Ami si précieux de Youen, qui n’avait pu venir au dernier moment, mais qui était présent en pensée.

Nous sommes partis le lendemain, tous les huit, vers le lieu que nous avions choisi pour une première « cérémonie » : le plateau du refuge du Carrelet, à 1800 m d’altitude, où Youen, Alan et Tanguy avaient souvent fait halte, sur le chemin de leurs courses vers les sommets. Nous avons cheminé sur un dénivelé modéré mais néanmoins costaud du haut des 7 ans de Awenn et de Laurianne qui tenait à porter le sac à dos contenant l’urne des cendres de son frère. En souvenir de toutes leurs randonnées ensemble, Maggy cueillait des myrtilles encore et encore, car Youen les adorait et voyait ces petits fruits comme un cadeau de la nature. Awenn s’en est régalée aussi !

Nous avions choisi un petit terre-plein loin du chemin, au bord du torrent, environné de hauts sommets. Nous étions dans la pleine conscience des quatre éléments de la nature, tout autour de nous : la terre sous nos pieds, l’air si pur qui nous enveloppait, l’eau du torrent proche, et le feu du soleil qui perçait entre deux ondées.

Tous ensemble, nous avons construit un « Land art » au nom de Youen, uniquement avec des éléments naturels pour être au plus près de sa nature, ainsi qu’un beau cairn de pierres de montagne.

Œuvres belles mais fragiles et éphémères, comme l’est la vie… Maggy y a déposé une offrande de myrtilles et Awenn quelques fleurs.

 

A tour de rôle, chacun a exprimé ce qu’il souhaitait communiquer, par écrit sur les galets du torrent, à voix haute ou dans le secret de son cœur.

Chacun de nous a choisi sa façon de se connecter avec Youen, de penser à lui petit garçon si attachant, à lui jeune passionné, à lui homme extraordinaire qu’il était, à tous les moments passés avec lui, à tout l’amour qu’il nous a donné, à tout ce qu’il nous a fait découvrir… Youen, tu étais un homme si doux, si gentil, si sensible… Si joyeux souvent et si compliqué, certaines fois, il faut bien le reconnaître.

Nous sommes si reconnaissants de tout l’amour que tu nous as offert !

Nous avons eu beaucoup de chance de te voir grandir et vivre, mais nous aurions tellement, tellement voulu que tu restes avec nous… Beaucoup beaucoup d’émotions, tant de présence de Youen, dans ce lieu grandiose, et la pluie qui tombait noyant nos larmes…

Notre groupe s’est ensuite séparé : Yann, Laurianne, Stéphane et Awenn sont redescendus, tandis que Maggy, Alan Tanguy et moi avons continué vers le refuge de Temple Ecrins à 2400m où nous avons dormi, avons de partir tôt le matin vers notre destination finale. Pas de chance, le brouillard était présent dès le matin et a duré toute la journée… Très vite, nous avons trouvé de la neige, des plaques d’abord, puis de bonnes épaisseurs.

Brouillard, fort dénivelé, longs pierriers, neige et froid : j’ai eu beaucoup de mal à monter et à arriver jusqu’au bout, mais comment expliquer cette force inouïe qui nous pousse à continuer malgré tout, au milieu des larmes, cette énergie d’amour qui nous fait nous dépasser ? Mon fils Youen me tenait, me soutenait, m’encourageait, je ressentais fortement sa présence et son amour… Maggy était très présente également : quelle jeune femme incroyablement forte et droite…

Alan, le chef d’expédition, a jugé les conditions trop difficiles et sa mère trop fatiguée pour aller jusqu’au pic Coolidge. Nous nous sommes arrêtés juste avant, au col de la Temple, à 3300 m, surplombant le glacier Noir. Beaucoup de souvenirs avec Youen en ce lieu, pour Alan et Tanguy, ils y avaient fait leurs armes de jeunes alpinistes enthousiastes et ont évoqué ces jours heureux, avec nostalgie mais humour aussi…

Nous avons donc choisi d’ouvrir l’urne sur l’arête de ce col et, à tour de rôle, de mêler les cendres aux éléments naturels: pics acérés, pierres, neige, vent, glaciers, nuages… Sur ce site extrême, après une ascension extrême, émotions et ressentis ont été vécus de manière extrême également…

En fin de compte, l’homme le plus heureux de la montagne a rejoint la montagne.

Même si cette dispersion de cendres était surtout symbolique, car je sais que mon fils n’est pas dans ces cendres, mais partout autour de nous et en permanence dans nos cœurs, nous sommes satisfaits d’avoir réussi à tenir cette promesse qui s’était imposée à nous comme une évidence. « Nous lui devons bien ça » avait dit Alan.

Un relatif apaisement s’ensuivra peut être, pour ceux qui restent…

De son nouveau monde, l’ange Youen a déjà réussi à nous rassembler autour de l’amour que nous lui portons.

Du fond du cœur, je te demande aussi, Youen, de nous aider, de m’aider à continuer à vivre sans toi.

Je t’aime mon fils.”

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