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“Ne me demandez pas si j’ai réussi à le surmonter, je ne le surmonterai jamais
Ne me dites pas qu’il est mieux là où il est maintenant, il n’est pas ici auprès de moi
Ne me dites pas qu’il ne souffre plus, je n’ai toujours pas accepté qu’il aitdû souffrir
Ne me dîtes pas que vous savez ce que je ressens, à moins que vous aussi vous ayezperdu votre enfant
Ne me demandez pas de guerir, le deuil n’est pas une maladie dont on peut se débarasser
Ne me dîtes pas “au moins vous l’avez eu pendant tel nombre d’années”, selon vous à quel âge votre enfant devrait mourir
Ne me dîtes pas que Dieu n’inflige pas plus que l’homme peut supporter
Dites-moi simplement que vous êtes désolés
Dites-moi simplement que vous vous souvenez de mon enfant
Si vous vous rappelez de lui, je vous en prie, laissez-moi simplement parler de mon enfant,
Mentionner le nom de mon enfant
Laissez-moi simplement pleurer”.

 altmeyer_vincent@bbox.fr
Le partage de la supplique de Rita Moran (Les mots exacts pour le dire)
par une maman, le jour des 3 ans de la disparition de sa petite fille, en dit long sur le ressenti des parents en deuil et leur besoin de maintenir vivant le lien et le souvenir.
 
IMG_9281Ce cri du coeur traduit le décalage entre le besoin de l’entourage de “tourner la page” et “passer à autre chose”, et le besoin de beaucoup de parents en deuil de perpétuer le souvenir de leur enfant, d’avoir des attentions qui prouvent qu’on ne l’oublie pas, ni lui, ni ses dates anniversaires si difficiles à vivre sans lui. Loin d’être mortifère, ce lien peut être vital, ressourçant, plein d’espoir et d’amour, sans être pour autant un déni de la réalité. Les parents n’oublient pas que leur enfant n’est plus. Parler de leur enfant disparu n’est pas le croire vivant, ni lui préférer son fantôme aux vivants. C’est éprouver et vivre avec son amour vivant. Car où que l’enfant se trouve, grand ou petit, très loin ou très près, sous terre ou avec nous, l’amour que l’on éprouve pour lui ne s’éteint jamais.

Alors on sent derrière le partage de cette maman toute la solitude du parent à qui la douce pression sociale intime qu’il est temps de “faire son deuil”, sous-entendu d’arrêter à un moment donné de parler de son enfant défunt.  Qu’il est temps d’arrêter de “remuer le couteau dans la plaie” et de tourner la page.

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Mais la vérité c’est qu’un parent ne fait jamais le deuil de son enfant, il ne sert à rien d’attendre cela de lui. Au mieux il vous ménage en ne vous en parlant plus, mais son souvenir, sa peine et son absence sont omniprésentes. Beaucoup de parents éprouvent alors le besoin de continuer à partager leur manque et leur amour. Peut-être que ce besoin dérange, mais il peut être une condition de leur survie intégre.

Nos sociétés demandent pourtant aux parents de “faire leur deuil”, après un délais “raisonnable” de quelques mois à une année généralement, temps qui n’est jamais celui du parent orphelin qui a perdu avec son enfant toute notion du temps et du raisonnable. Quand la société lui intime de tourner la page, lui a le sentiment que l’histoire s’est arrêtée et cherche désespérément le moyen de continuer à l’écrire justement. Avec le temps, l’environnement social cherche à dissoudre le lien à l’enfant mort, quand son parent cherche souvent à le maintenir vivant.

12234918_10205294806705352_5805758313646671920_nNos sociétés n’aiment pas qu’on leur rappelle un malheur aussi insupportable que celui de la mort d’un enfant. L’entourage s’inquiéte alors pour l’équilibre du parent en deuil et celui de ses autres enfants quand il a la chance d’en avoir, et cette inquiétude est sincère et plus que légitime. Mais, il faut admettre aussi qu’une part importante de cette inquiétude est motivée par le besoin de l’entourage de se rassurer lui-même et d’oublier une réalité qui le renvoie à ses propres peurs.

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Lydie et Théo

Mettre une photo de son enfant disparu en profil de sa page Facebook ne fait pas du parent un mauvais parent pour ses autres enfants. Poster des photos de son enfant le jour de l’anniversaire de sa naissance ou de sa mort, ne le fait pas oublier celui de ses autres enfants. Parler ou pleurer pour son enfant disparu, ne l’empêche pas d’aimer ses proches, de rire et de goûter encore plus la valeur de ces petits bonheurs immenses. Fleurir et décorer la tombe de son enfant ne fait pas de lui un être morbide et mortifère. Ces gestes et ces rituels propres à chacun, vécus intérieurement ou extérieurement, aident à approivoiser l’absence. Et loin d’enfermer dans le passé, ils aident à rester dans la vie et le présent.

Parler encore et toujours de leur enfant, n’en fait pas des êtres déséquilibrés, des parents dangereux pour eux-mêmes, leurs proches et leurs enfants. Peut-être meme que leur souffrance leur permet d’aimer encore plus fort la vie. Peut-être que leur souffrance peut nous enrichir, nous donner de la force, décupler notre envie de vivre et partager.

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 Alors faites confiance au lien d’amour indestructible qui unit les parents en deuil à leur enfant. Le meilleur moyen de les aider à vivre la disparition de leur enfant, c’est d’encourager leur partage, l’expression de leurs sentiments, même si en être le témoin n’est pas toujours facile. Ayez cette bienveillance de les accepter et de les laisser libres sans les juger, sans vous inquiéter excessivement de leur équilibre mental, ou de leur aptitude de parent. Vos douces réprimandes autant que vos silences désapprobateurs, les isolent encore plus dans la solitude de leur souffrance. Une solitude bien plus dangereuse pour eux et pour leurs proches.

“Parler de notre enfant ne fait pas de nous des mamans morbides qui ne vivent qu’avec un fantome.

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Nathalie et Carla-Marie

Nous avons besoin plus que jamais de sentir que notre enfant continue d’exister pour d’autres et on reste à jamais la maman de notre enfant, même si la maladie l’a emporté. Alors laissez-nous au moins cette liberté sans juger”, partage une autre maman en deuil.

Alors oui bien sûr, tous les parents ne sont pas égaux dans leur ressources. Chaque malheur est singulier et souvent solitaire. Certains parents  vont être réellement en danger en n’arrivant pas à trouver le chemin de la résilience. D’autres n’y arriveront jamais et vivront le restant de leurs jours brisés, amputés d’une partie d’eux-mêmes sans parvenir à retrouver le goût de vivre . Mais la plupart des parents vous étonneront par leur force, leur créativité dans le malheur et leur capacité à trouver ce chemin.

Alors avec toute votre bienveillance, laissez les parents libres d’aimer encore et toujours leur enfant, au risque de vous exposer un peu à leur souffrance. Faîtes leur confiance, ne les jugez pas trop et si vous voulez les aider sincèrement, encouragez les à écouter leur coeur et à avoir confiance en leur propre force de vie et d’amour.

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