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Nathalie, maman de Carla-Marie, nous raconte leur histoire

Sport, nature et…  Amour !

Le sport et la nature ont toujours été des traits d’union importants entre Laurent et moi. Et le triathlon tout particulièrement, puisque nous le pratiquions tous les deux quand nous nous sommes rencontrés et que Carla-Marie y a vécu ses premières compétitions.

Après la naissance de Carla-Marie, j’ai levé le pied sur le sport et Laurent a accéléré… Mais, même séparés depuis plusieurs années, nous sommes restés toujours très proches et très complices. Et cette proximité a été une ressource énorme quand on a eu à gérer ensemble la maladie et la fin de vie de notre fille Carla-Marie. Aujourd’hui, elle perdure plus que jamais dans l’action du Point rose, et c’est un peu comme si Carla avait réussi à nous réunir encore et toujours.

Elle avait accepté tant bien que mal notre séparation, mais ce qu’elle souhaitait plus que tout c’est que l’on ne se dispute jamais et que l’on reste proche. Nous l’avons souvent rassurée à ce sujet à l’hôpital, en lui rappelant qu’on l’était bien avant sa naissance et que cela perdurerait toujours. Et nous la sentions toujours plus apaisée à nos mots.

Je crois vraiment qu’elle a tenu près de deux mois, faisant mentir tous les pronostics médicaux, pour nous offrir à tous les trois ce temps privilégié, ce temps si précieux pour nous habituer, nous préparer, nous dire notre amour.

La graine du Point rose a commencé à germer à ce moment-là, bien avant que nous n’en ayons conscience tous les deux…

Carla-Marie…

C’est difficile de vous raconter Carla (on l’appelait toujours Carla plutôt que Carla-Marie même si on adorait tous son double prénom), il y a tant à dire… Carla-Marie a transformé ma vie.

Quand elle est née, nous avons eu un lien si fusionnel et intense, que toutes les questions existentielles et tous les manques que j’avais éprouvés jusqu’à elle, ont instantanément disparus. C’était une relation si forte et si épanouissante, qu’elle était souvent exclusive et qu’il y avait peu de place pour d’autres personnes ou d’autres choses. Son regard si sensible, si pur et si émerveillé sur la vie, la nature, les sentiments m’a offert la possibilité de redécouvrir mes émotions d’enfant et de les vivre en conscience et plus pleinement.

Grâce à elle, j’ai appris pour la première fois à m’aimer, à accepter ma propre hyper-sensibilité. Elle me donnait tant d’amour, et un amour d’enfant si total et si inconditionnel, comment ne pas me regarder avec amour ? On s’aime dans le regard d’amour de l’autre et elle a porté ce regard d’amour pur et total sur moi. Comment ne pas lui en être à jamais reconnaissante? Comment ne pas souffrir à jamais de la perte de ce regard d’amour total que j’aimais ressentir chaque jour ? Comment ne pas se sentir orpheline d’elle mais aussi d’une partie de moi-même ?

Car on a un rapport très égoïste à son enfant, il nous semble qu’il nous appartient à jamais, qu’il doit être là pour continuer après nous… La souffrance est doublement immense : c’est celle du manque physique terrible, mais aussi celle du sentiment d’injustice contre lequel on doit lutter.

Carla était une enfant précoce, hypersensible qui vivait tout intensément, le bon comme le mauvais, et qui portait un regard d’amour sur tout. Elle avait une empathie impressionnante pour son jeune âge et une intelligence émotionnelle que peu de personnes ont même à l’âge adulte. Son histoire du Petit Chaperon rose en est la preuve. Alors que depuis toute petite elle souffrait d’un sentiment de différence et de décalage avec les autres, lié sans doute à sa précocité, elle y raconte comment elle finit par comprendre qu’il fallait qu’elle apprenne à être heureuse avec les autres avec sa différence.

Carla, c’était aussi l’émerveillement devant la beauté de la vie et de l’amour. Elle s’émerveillait d’un rayon de soleil, d’un coquelicot dans un champ, d’une coccinelle, d’un papillon, du premier givre hivernal sur l’herbe du jardin, de chaque saison et de son lot de surprises renouvelées qu’elle attendait avec la même impatience chaque année.

A à peine 8 ans, elle déclara un jour : « Derrière chaque malheur, se cache un petit bonheur ». C’était son état d’esprit, celui de prendre le plus beau dans toute chose et de ne pas s’arrêter aux épreuves. Elle avait la pureté du Petit Prince, sa sagesse faussement enfantine. Et Carla c’était aussi sa passion de tous les animaux, mais surtout des chevaux, et d’un poney, tout particulièrement, Pirate, qu’elle appelait « l’Amour de sa vie » et avec qui elle avait une relation et une communication exceptionnelle. Elle avait écrit ces mots magnifiques en pensant à lui : “Je m’envole jusqu’au soleil en amenant les chevaux avec moi. Je veux savoir où se cache mon coeur. Et les chevaux me guideront jusqu’à mon rêve et mon amour. J’ai découvert que les chevaux sont ma passion”.

Carla était aussi elle-même un petit animal farouche qui ne transigeait jamais avec ses sentiments et ses ressentis. Cela donnait parfois des crises et des cris quand elle ne se “sentait” pas en confiance ou quand son instinct si aiguisé lui faisait se méfier de personnes ou de situations pourtant « bien sous tout rapport » en apparence. Les médecins et le personnel soignant en ont fait les frais. Elle sentait et savait en qui elle avait confiance ou non. C’était intuitif et non négociable chez elle.

Un petit être si grand dans son coeur et son âme, qui ne s’est jamais plaint une seule fois durant sa maladie qui l’handicapait jour après jour et la privait petit à petit de tout ce qu’elle aimait faire. Même quand elle ne pouvait plus ni parler, ni marcher, elle riait et savait jouir de petits bonheurs tout simples : un coup de langue de son petit chiot, une pensée, un souvenir, son film préféré…

Je repense à ses mots un jour alors qu’elle crapahutait dans les rochers de la Corse où l’on passait tous les étés, alors que je lui montrais un chemin bien plus facile que je suivais moi-même : « Maman, les chemins les plus difficiles sont toujours les meilleurs ». Face à tant de sagesse et de courage, le manque de considération à son égard ressenti parfois à l’hôpital a été d’autant plus difficile à vivre pour nous et ses proches.

Paloma…

Vrai petit rayon de soleil, Paloma, sa cadette, a vécu et grandi presque comme une soeur jumelle avec Carla que moins de deux ans séparaient. Plus intravertie, elle est aussi un trésor de sensibilité et d’intelligence. Précoce elle aussi, elle sent, devine, anticipe tout.

Pendant la maladie de Carla, avant de comprendre sa gravité, elle a d’abord été gênée par l’attention accrue que l’on portait à sa sœur malade. Puis le jour où elle l’a vue en réanimation intubée, elle a compris l’importance que je sois avec elle jour et nuit et elle m’a encouragée à le faire, venant me voir avec bonheur le mercredi et le we.

Elle massait et parlait à sa sœur, s’habituant peu à peu à son état… D’où là-aussi l’importance de ne pas expédier ces jours précieux de partage et d’amour fraternel.

Quand Carla est décédée, Paloma a beaucoup pleuré sur le moment, puis elle s’est réconfortée en percevant de nombreux signes de sa soeur. Pour elle, Carla est toujours présente, autrement, et elle en parle toujours joyeusement.

Paloma m’a littéralement sauvée. Et elle m’aide tous les jours, exigeant de tout vivre intensément comme nous avions l’habitude de le vivre avec Carla : les fêtes, les anniversaires, les saisons, les sorties… et c’est dur par moment mais à chaque fois à la fin je sais et sens qu’elle avait raison, et qu’on a bien fait de vivre et faire ce qu’on aimait faire avec Carla. Et on la sent avec nous.

Ses cousins, ses camarades de classe aiment venir chez nous, partager un peu de cette chaleur et de cet amour de Carla. On éprouve comme une permanence de la vie dans l’amour.

Notre Point rose…

L’idée de l’association c’est Laurent qui l’a eue comme une évidence. Quand il m’a exposé l’objet de l’association qu’il imaginait, les soins palliatifs pédiatriques et l’accompagnement du deuil d’un enfant, j’ai d’abord été réticente. J’ai eu peur que cela soit trop dur pour moi et trop dur de convaincre des personnes de nous aider dans un domaine si difficile.

Demander aux gens de soutenir la recherche contre le cancer et les maladies qui emportent les enfants oui, mais de nous aider à accompagner les enfants en fin de vie et leur famille…

J’avais peur que cela soit trop triste à imaginer pour la plupart des gens et que cela leur fasse peur. Je craignais aussi de réduire l’histoire et la mémoire de Carla-Marie à sa fin de vie tragique, alors qu’elle représentait pour moi la Vie et l’amour de la Vie, avec un grand V. Carla c’était la vie à bout de souffle pas la mort !

Mais, nous avions la formidable opportunité de l’invitation de Laurent par le CEO monde d’Ironman, à participer à la grande finale du championnat du monde Ironman d’Hawaii en hommage à Carla-Marie, ce qui pouvait nous permettre de lancer et faire connaître Le Point rose. Et j’ai suivi sans trop voir au départ où cela pouvait nous mener.

Et aujourd’hui, l’évidence de notre action s’impose à moi. Il ne s’agit pas d’accompagner seulement les enfants en fin de vie, il s’agit d’aider leur famille à trouver la force de vivre et de célébrer la vie à chaque instant jusqu’au dernier souffle ! Par respect et amour de la vie.

Aider les familles à accompagner leur enfant en fin de vie, dans l’amour, la compassion, avec toutes les aides possibles pouvant les aider dans cette épreuve si difficile ; puis les accompagner après ce drame sur la voie de la résilience, grâce à l’espoir d’un lien indestructible et d’une permanence de la vie dans l’amour.

Et là, nous retrouvons pleinement notre Carla-Marie, dans son incroyable empathie et dans sa volonté d’aider les êtres en souffrance, et dans sa passion de la Vie et de l’Amour.

Aujourd’hui, ce qui motive l’action du Point rose, ce n’est pas un esprit revanchard ou la frustration de parents orphelins de leur fille. Nous ne faisons pas d’amalgame.

L’hôpital et son personnel soignant réalisent des choses extraordinaires et sauvent des milliers de vies. Mais ce n’est pas un endroit pour y mourir. Et encore moins dans le cas d’un enfant. Personne n’y est vraiment préparé, c’est dur pour tout le monde. On oscille entre déni, logique économique ou expéditive pour libérer du matériel et des équipes, et écourter la souffrance de tout le monde, sans réaliser vraiment que les jours passés au chevet de l’enfant pour ses proches et la qualité de l’environnement dans ces moments sont infiniment précieux : pour l’enfant à qui l’on parle et donne de l’amour infini, pour sa famille qui puisera dans ces instants précieux et intenses la force et peut-être les conditions de sa résilience après le drame, mais aussi pour le personnel soignant qui se sent démuni et ne peut se satisfaire de ne pas mieux accompagner les familles.

Quand on a la chance comme nous l’avons eue, d’avoir deux mois de plus à vivre avec son enfant, si dures soient les conditions de sa fin de vie, personne n’a le droit de dire « à quoi bon ? », et certainement pas le corps médical qui ne peut sous-estimer la valeur de la vie, qui reste de la vie pleine et entière jusqu’au dernier souffle. Peut-être même un concentré de vie.

L’action du Point rose veut repenser la mort pour honorer la vie. Son action nous concerne tous car elle parle d’amour, d’espoir et de réconfort après la perte d’un être cher, et la plus dure d’entre toute, celle de son enfant.

Nous sommes la preuve que l’on peut trouver dans ce chagrin ultime et dans les derniers jours vécus au côté de son enfant, des raisons de vivre et d’aimer encore la vie après, un amour assez fort pour porter l’impensable. C’est aussi de cela que nous voulons témoigner et dire à tous qu’au nom de ces moments ultimes d’amour, on se doit d’offrir les meilleures conditions possibles aux enfants en fin de vie et à leur famille. Car, dans nul autre domaine, l’échec n’est plus conséquent.

Et le Point rose aussi pour accompagner les familles après le drame, témoigner, échanger et organiser des événements qui leur permettent de rester connectées au plus beau de la vie, de l’amour et de trouver la voie de la résilience. En participant à des manifestations sportives et culturelles, pleines de vie et d’enfants, nous formulons le voeu d’offrir à ces familles un feu d’artifice de Points roses pour transformer le chagrin et l’absence en VIE…

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