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Le témoignage d’Olivia m’a bouleversée autant par ce qu’il dit que par ce que l’on devine de la souffrance intérieure, presque honteuse, d’un enfant après le décès d’un autre enfant de sa famille. Il lève le voile sur la souffrance des “enfants qui restent”, ceux qui doivent continuer à avancer avec le fantôme souvent si présent de l’enfant disparu, quand les souvenirs et les angoisses ne sont pas vécus au grand jour, ni partagés dans la vie et l’amour. On y devine aussi leur culpabilité, et l’injonction tacite qu’ils entendent ou imaginent leur rappelant leur chance à eux d’être vivants. Et, plus que jamais, il encourage l’action du Point rose en direction des enfants des familles vivant le drame de perdre un enfant. Et dans une famille recomposée, ces fratries sont souvent complexes, nombreuses incluant des demi-frères ou soeurs, des cousins, des parents par alliance. Et il est aussi important dans le cas des enfants d’élargir encore ce cercle aux camarades de classes, d’activités et aux meilleurs ami(e)s.

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Les liens des morts et des vivants… (photo Patrick Béjot)

Mais ce témoignage est aussi riche d’un autre enseignement. Le sujet de la perte d’un enfant est si douloureux et si anxiogène qu’il en devient presque tabou. Ceux qui en ont vécu le drame, directement ou indirectement, n’en parlent pas. On ne les encourage pas beaucoup non plus… Si bien que plus ils sont touchés, et moins ils en parlent. Et l’on peut côtoyer durant des années des personnes en ignorant tout de leur vécu traumatique, vécu qui continue parfois à peser lourdement sur leur vie actuelle. Un double silence qui condamne les parents et les enfants en deuil à la double peine de la perte et de d’un isolement douloureux, voire dangereux pour leurs proches et leur équilibre.

Le témoignage d’Olivia est bouleversant à ce double titre. Par l’intensité de ce qu’elle partage et par le fait qu’elle accepte aujourd’hui de le partager. Certains se diront qu’elle n’a pourtant connu enfant “que” la mort de sa cousine, en osant comparer les drames et les souffrances. Mais ses mots démontrent toute l’intensité de sa souffrance d’enfant et de maman aujourd’hui. Ils démontrent que la mort d’un enfant est conséquente sur un cercle bien plus large que ses seuls parents, et combien, mal accompagnée, elle peut avoir des conséquences dévastatrices sur plusieurs vies, plusieurs cercles et plusieurs générations. L’accompagnement des familles et des fratries vivant la fin de vie d’un enfant doit se faire au nom de l’intégrité de toutes ces vies à vivre et à venir.

Je connais Olivia depuis plusieurs années. Comme tous nos proches et amis, elle m’avait adressé sa peine et ses condoléances amicales au moment de l’annonce du décès de Carla-Marie. Mais, un an plus tard, quelques mois après le lancement de notre Point rose, Olivia m’a envoyé le message suivant :

FullSizeRender-100“Bonjour Nathalie, Comme ça fait plusieurs fois que j’écris et que j’efface, que je réécris et que je re efface, je vais essayer de d’être plus simple. Je voulais juste de te dire mon admiration face à ton sourire et ton énergie. Ton combat me touche. En tant qu’être humain. En tant que Maman. Et en tant qu’ancienne petite fille qui a perdu un jour sa cousine, elle était à peine plus âgée que moi, à peine plus jeune que Carla. Même ville. Même hôpital. Même chose ou presque. J’en tremble en te disant ça. Je ne veux pas t’écrire pour te parler de moi, surtout pas mais pour te dire à quel point ce point rose est énorme.

Après le décès de Géraldine, il ne restait que l’absence, les larmes intarissables de ma grand-mère. La colère de mon grand-père.  Le visage de douleur de ma tante. Je n’avais que 4 ans mais je savais qu’il ne fallait pas en parler. Surtout pas les enfants, surtout pas devant les enfants. Ne pas expliquer. Ne pas dire son prénom. De peur de faire mal, de blesser. Comme si ça pouvait faire plus mal encore. Bref, à l’époque, point de Point Rose pour aider à faire vivre ces enfants, à ne pas les réduire à leur maladie. Il a fallu de nombreuses années pour que ma tante m’avoue à quel point elle aurait voulu parler de sa fille, malgré la souffrance. Continuer à la faire vivre. Parce qu’elle était toujours là. Parce qu’elle est toujours là. On en parle depuis, bien sûr. Je lui parle du Point Rose, de vous. Elle trouve ça formidable. Tout ça pour dire, merci Nathalie pour ton courage et ton énergie. On pense souvent à vous,  à Carla et à Paloma. Je t’embrasse”.

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Après ce message qui m’a ému aux larmes, nous avons échangé sur son vécu dont j’ignorais tout. Olivia a rejoint depuis notre association, acceptant même de représenter l’action du Point rose lors de l’opération Enfants sans douleur de l’OGC Nice, le 20 avril dernier. C’est un immense bonheur pour nous de la savoir à nos côtés aujourd’hui, et de savoir que ce combat peut l’aider elle aussi aujourd’hui. Alors merci Olivia pour ton témoignage qui aidera d’autres enfants et d’autres familles, car il n’est jamais trop tard pour les aider, ces familles et “les enfants qui restent”, comme tu les nommes si pudiquement.

 

Pour lire le témoignage d’Olivia, cliquer sur le lien :

https://www.lepointrose.org/apres-le-deces-de-geraldine-limmens…/

Le Point rose, partenaire de l’opération Enfants sans douleur

 

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